Etudes sur L’idéalisme transcendantal d’E. Kant

A quoi sert l’Idéalisme transcendantal ?

L’admiration des mathématiques peut conduire un philosophe à des conséquences surprenantes. Kant croyait fort à la pureté des mathématiques. Il n’était pas le premier. Mais il ne se contenta pas des explications de ses prédécesseurs : l’un alléguait des notions primitives, l’autre des idées innées. Tout cela partait d’une excellente intention, mais était un peu court, sans justification convaincante. Aussi ne se satisfit-il pas de reprendre leur thèse d’une connaissance indépendante de l’expérience, fondée sur les concepts purs de l’entendement, mais de la table qu’il donna de ceux-ci il exclut en outre l’espace et le temps. Le premier résultat de ce choix fit de la connaissance une vue subjective propre à ce qu’il appela la ” faculté ” humaine de connaître : les sciences et leur principe déterministe étaient réduites à une vue simplement phénoménale, tandis que les choses en soi échappaient à l’entendement.

C’est sur le plan moral cependant que cette invention eut les plus merveilleux effets. Un spectre hantait les nuits du philosophe de Königsberg, celui de Spinoza : l’Idéalisme transcendantal permettait de le conjurer. Car il autorisait à dire que si le déterminisme règne dans les phénomènes, dans les choses en soi par contre l’homme, en tant que noumène, est doté du libre arbitre. Il doit, donc il peut obéir à la loi morale, qui lui est dictée par cette autre ” faculté ” de connaître, située derrière et au-dessus de l’entendement, qui autorise ce que celui-ci interdit, et que Kant appelle la raison. Mais ce n’est pas tout : si vertueux que l’homme puisse être, il ne sera pas heureux pour autant, car le bonheur n’est pas de ce monde. Afin qu’il puisse le connaître il ne faudra rien de moins que l’immortalité de l’âme et l’existence de Dieu.

Ce Dieu-là a tous les avantages que lui prête le credo : il est créateur, juge et rémunérateur, il est bon et tout-puissant ; il n’est pourtant pas encore législateur, comme l’exigent les religieux intégristes. Les résultats de l’Esthétique transcendantale sont à nouveau bienvenus ici. Si ce n’est dans la nature phénoménale, au moins en tant que noumène l’homme est le centre du monde, car telle est l’intention d’un législateur intelligent. Il ne faut afin de l’établir rien de moins qu’une troisième ” faculté ” de connaître, le jugement, qui légitime après un anthropomorphisme un anthropocentrisme, et encore une doctrine selon laquelle la nature ne peut elle-même être pensée que sous le principe de finalité, comme un système sur lequel règne la Providence.

Ce qu’ayant démontré, enfin Kant put dormir en paix, le ciel étoilé au-dessus de lui, la loi morale en lui.