Etudes sur L’idéalisme transcendantal d’E. Kant

Annexe sur la dialectique

La Critique de la raison pure, P.U.F., pp. 251-485

Les limites de la raison

(Ce qui suit ne comporte aucune explication, mais constitue seulement un résumé de la Dialectique transcendantale)

On nomme transcendantale une connaissance a priori par laquelle nous connaissons que et comment certaines représentations (intuitions ou concepts) sont appliquées ou possibles simplement a priori. Transcendantal veut dire possibilité ou usage a priori de la connaissance (PUF, p. 79).
Dialectique : logique de l’apparence (p. 251).
L’apparence transcendantale influe sur des principes dont l’usage n’est jamais appliqué à l’expérience – auquel cas nous aurions au moins une pierre de touche pour vérifier leur valeur – mais, malgré tous les avertissements de la critique, nous entraîne nous-mêmes tout à fait en dehors de l’usage empirique des catégories et nous abuse avec l’illusion d’une extension de l’entendement pur.
L’apparence transcendantale ne cesse pas après qu’on l’a découverte.
Nous avons nommé catégories les concepts de l’entendement pur, nous désignerons sous un nom nouveau les concepts de la raison pure : nous les appellerons idées transcendantales (p. 262).
J’entends par idée un concept rationnel nécessaire auquel nul objet qui lui corresponde ne peut être donné dans les sens (p. 270).

On peut diviser toutes les idées transcendantales en trois classes :
1- la première contient l’unité absolue du sujet pensant —> psychologie :
je conclus du concept transcendantal du sujet, qui ne renferme aucun divers, à l’unité absolue de ce sujet lui-même, dont je n’ai de cette manière absolument aucun concept —> paralogisme.
2- la deuxième contient l’unité absolue de la série des conditions des phénomènes —> cosmologie :
je conclus d’un concept en soi contradictoire de l’unité synthétique inconditionnée d’un côté de la série, à la légitimité de l’unité du côté opposé, dont je n’ai cependant même pas un concept —> antinomie.
3- la troisième contient l’unité absolue de la condition de tous les objets de la pensée en général —> théologie :
je conclus de la totalité des conditions nécessaires pour concevoir des objets en général, en tant qu’ils peuvent nous être donnés, à l’unité synthétique absolue de toutes les conditions de la possibilité des choses en général —> idéal.

Des paralogismes

1° l’âme est une substance : paralogisme de la substantialité ;
2° l’âme est simple : paralogisme de la simplicité ;
3° l’âme est unique : paralogisme de la personnalité ;
4° l’âme est en rapport avec des objets possibles : paralogisme de l’idéalité du rapport extérieur.

Le je pense est le texte unique de la psychologie rationnelle, celui d’où elle doit tirer toute sa science (p. 279).

Le procédé de la psychologie rationnelle est dominé par un paralogisme qui est représenté par le syllogisme suivant (p. 290) :
– ce qui ne peut être conçu autrement que comme sujet n’existe aussi que comme sujet et est par conséquent substance ;
– or un être pensant considéré simplement comme tel ne peut être conçu que comme sujet ;
– donc il n’existe aussi que comme tel, c’est-à-dire comme substance.

*Dans la majeure il est question d’un être, qui en général peut être conçu sous tous les rapports, et par conséquent tel qu’il peut être donné dans l’intuition.
Mais dans la mineure, il n’est question du même être qu’autant qu’il se considère lui-même comme sujet seulement par rapport à la pensée et à l’unité de la conscience, mais non pas en même temps par rapport à l’intuition, par laquelle il est donné comme objet à la pensée.

*La pensée est prise dans les deux prémisses en des sens totalement différents.
Dans la majeure elle s’applique un objet en général (et tel par suite qu’il peut être donné dans l’intuition).
Dans la mineure elle n’envisage cet objet que dans son rapport à la conscience de soi, et il n’y a donc plus ici d’objet conçu, mais on se borne à se représenter le rapport à soi comme un sujet (à titre de forme de la pensée).

*Dans la première il est question des choses qui ne peuvent être conçues que comme sujets ;
dans la seconde il s’agit non plus des choses, mais de la pensée (parce qu’on fait abstraction de tout objet) dans laquelle le moi sert toujours de sujet à la conscience.

Aussi ne peut-on pas en déduire cette conclusion : je ne peux exister autrement que comme sujet, mais seulement celle-ci : je ne puis dans la pensée de mon existence me servir de moi que comme d’un sujet du jugement, ce qui est une proposition identique et n’exprime absolument rien sur le mode de mon existence.

Des antinomies

Il n’y a que quatre idées cosmologiques, suivant les quatre titres des catégories (p. 332). D’où les quatre antinomies :

1° le monde a un commencement dans le temps et il est aussi limité dans l’espace ;
le monde n’a ni commencement dans le temps, ni limite dans l’espace, mais il est infini aussi bien dans le temps que dans l’espace.

2° toute substance composée dans le monde se compose de parties simples et il n’existe absolument rien que le simple ou ce qui en est composé ;
aucune chose composée dans le monde n’est formée de parties simples, et il n’existe rien de simple dans le monde.

3° la causalité selon les lois de la nature n’est pas la seule dont puissent être dérivés tous les phénomènes du monde : il est encore nécessaire d’admettre une causalité libre pour l’explication de ces phénomènes ;
il n’y a pas de liberté, mais tout arrive dans le monde uniquement suivant des lois de la nature.

4° le monde implique quelque chose qui, soit comme sa partie, soit comme sa cause, est un être absolument nécessaire ;
il n’existe nulle part aucun être absolument nécessaire, ni dans le monde ni hors du monde, comme en étant la cause.

Cette antithétique expose le conflit entre des connaissances dogmatiques en apparence, sans que l’on attribue plus à l’une qu’à l’autre un titre plus parfait à notre approbation (p. 335).

De l’idéal

Idée d’un tout de la réalité (p. 417) :
il n’y a par la raison spéculative que trois preuves possibles de l’existence de Dieu :
– ou bien toutes les voies, que l’on a tentées dans ce but, partent de l’expérience déterminée et de la nature particulière de notre monde sensible que l’expérience nous fait connaître, et s’élèvent de là, suivant les lois de la causalité, jusqu’à la cause suprême résidant hors du monde : preuve physico-théologique ;
– ou bien elles ne prennent pour point de départ empirique qu’une expérience indéterminée, c’est-à-dire une existence quelconque : preuve cosmologique ;
– ou bien enfin elles font abstraction de toute expérience et concluent tout à fait a priori de simples concepts à l’existence d’une cause suprême : preuve ontologique.

De l’impossibilité d’une preuve ontologique

On a de tout temps parlé d’un être absolument nécessaire. C’est quelque chose dont la non-existence est impossible. Mais qu’est-ce qui rend impossible de regarder sa non-existence comme inconcevable ?
Après s’être fait d’une chose un concept a priori agencé de telle façon que de l’avis commun l’existence rentrait dans sa compréhension, on a cru pouvoir en conclure sûrement que, puisque l’existence appartient nécessairement à l’objet de ce concept, son existence est aussi posée nécessairement.
Si d’un triangle on supprime l’existence, on supprime alors la chose même avec tous ses prédicats. Où y a-t-il alors contradiction ? Il n’y a rien extérieurement avec quoi il puisse y avoir contradiction, car la chose ne doit pas être extérieurement nécessaire ; mais il n’y a rien non plus intérieurement, car en supprimant la chose elle-même on a supprimé en même temps ce qui lui est intérieur. Si je supprime le prédicat d’un jugement en même temps que le sujet, il n’en peut jamais résulter de contradiction interne, quel que soit ce prédicat.
Telle chose existe : cette proposition est-elle analytique ou synthétique ? Si elle est analytique, par l’existence de la chose vous n’ajoutez rien à votre pensée, et alors de deux choses l’une : ou la pensée qui est en vous doit être la chose même, ou bien vous avez supposé une existence comme faisant partie de la possibilité, et alors l’existence est soi-disant conclue de la possibilité interne, ce qui n’est qu’une misérable tautologie. Le réel ne contient rien de plus que le simple possible. Cent thalers réels ne contiennent rien de plus que cent thalers possibles. Mais je suis plus riche avec cent thalers réels, qu’avec leur simple concept.

De l’impossibilité d’une preuve cosmologique

Si quelque objet existe, il faut aussi qu’existe un être absolument nécessaire. Or j’existe. Donc il existe un objet absolument nécessaire (preuve a contingentia mundi). Pour se donner un fondement solide cette preuve s’appuie sur l’expérience et se donne ainsi l’apparence de différer de l’argument ontologique, qui met toute sa confiance en de simples concepts purs a priori. Mais la preuve cosmologique ne se sert de cette expérience que pour faire un seul pas, c’est-à-dire pour s’élever à l’existence d’un être nécessaire en général. L’ argument empirique ne peut rien apprendre concernant les attributs de cet être, et alors la raison prend tout à fait congé de lui et introduit l’argument ontologique dans la preuve cosmologique.

De l’impossibilité d’une preuve physico-théologique

Si donc ni le concept de choses en général, ni l’expérience de quelque expérience en général ne peuvent donner ce qui est requis, il ne reste plus qu’un moyen : c’est de chercher si une expérience déterminée ne fournit pas une preuve. [Mais comment une expérience pourrait-elle être donnée qui soit adéquate à une idée ? C’est précisément le propre d’une idée qu’une expérience ne puisse jamais lui être adéquate].
1° il y a partout des signes évidents d’un ordre,
2° cet ordre n’est pas inhérent aux choses du monde,
3° il existe donc une cause du monde, féconde, intelligente et libre,
4° comme les parties du monde sont celles d’une oeuvre d’art, l’auteur en est unique. Cette preuve pourrait tout au plus démontrer un architecte mais non un créateur.
Le concept d’une cause doit nous en faire connaître quelque chose d’entièrement déterminé. Or dès qu’il y est question de la grandeur d’une chose en général, il n’y a de concept déterminé que celui qui comprend toute la perfection possible. Or la théologie physique ne peut pas donner ce concept. La preuve physico-théologique se tire de son mauvais pas en en appelant à la contingence du monde… Qui elle-même en appelle à la preuve ontologique… Qui est sans valeur.